Une dernière carte postale...
Avant la reprise, une dernière carte postale… de Venise, à l’occasion de la Biennale d’Architecture 2023.
Commençons par une surprise : avec un thème comme “The Laboratory of the future” et vu le contexte d’ébullition autour de l’IA, je m’attendais à y trouver de nombreuses références à la technologie… Mais c’était en fait tout l’inverse !
Intelligence artificielle, data, smart city : tous ces sujets semblaient quasiment* absents des principales expositions. En plein boom des IA génératives, il y avait pourtant de nombreux liens à faire entre la technologie et l’architecture, l’urbanisme et la ville en général.
Mais il faut aussi avouer que souvent, la notion même d’architecture était difficile à retrouver dans les installations…
Faut-il y voir un nouvel exemple de la difficile synchronisation entre le rythme de la technologie et celui de ce type d’exposition ? Ou au contraire, une forme d’avant-garde, un aperçu d’un avenir dans lequel la technologie devra s’effacer au profit de ce qui compte vraiment pour (sur)vivre ?
TL;DR :
Cette année, la Biennale d’Architecture de Venise nous laisse entrevoir un futur dans lequel ce qui compte sera moins la technologie que les éléments essentiels à la vie : l’eau, la terre ou l’énergie.
Les préoccupations liées au changement climatique - et la question de la survie même de la vie sur terre - s’incarnaient aussi à travers le mouvement de valorisation des architectures traditionnelles et autochtones, qui ont beaucoup à nous apprendre en matière d’adaptation, d’efficacité énergétique et de minimisation de l’usage des ressources.
Dans le même mouvement, cette édition de la Biennale d’Architecture était aussi marquée par une volonté d’inclusion et de diversité, afin de faire entendre d’autres voix et de proposer d’autres visions de la ville.
Si l’Intelligence Artificielle et la tech en général étaient presque absentes à Venise, on notait à l’inverse un retour à l’essentiel, avec un focus sur les ressources et les éléments de base de la vie sur terre.
L’eau était ainsi au cœur des expositions des pavillons néerlandais (“Plumbing the system”), grec (“Bodies of water”) et égyptien (“The Nile as Laboratory”), notamment. L’énergie était un des thèmes du pavillon Roumain (“Now Here There”), la forêt celui des pavillons Lituanien (“Children’s Forest”) et Uruguayien (“En Opera”).
La terre (nourricière) était mise en avant par l’Espagne (“Foodscapes”) et le Brésil (“Terra [Earth]”), tandis que l’installation “The Nebelivka Hypothesis” s’appuyait sur des recherches archéologiques pour postuler le fait que l’exceptionnelle fertilité des sols ukrainiens (les convoitées “terres noires”) serait le résultat non pas du hasard, mais d’une action des hommes il y a des milliers d’années.
Ce retour aux sources est aussi incarné par une attention toute particulière accordée aux modes d’habitat traditionnels, en particulier pour répondre aux enjeux climatiques. On sent qu’il n’est désormais plus tant question d’empêcher le réchauffement que de s’y adapter…
Le pavillon Slovène présentait ainsi dans l’exposition “+/- 1 °C: In Search of Well-Tempered Architecture” un large éventail de solutions adoptées par le passé à travers l’Europe pour réguler la température de l’habitat selon les saisons, comme la réduction de la taille des pièces en hiver grâce à des tentures en Belgique. Le pavillon des pays nordiques présentait quant à lui une bibliothèque d’architecture autochtone, présentant les techniques des Sami, ce peuple historiquement nomade, habitué à s’adapter à un climat difficile et changeant.
Plus anecdotique, mais non moins essentiel, les Finlandais, eux, présentaient leurs toilettes sèches traditionnelles, les “huussi”.
Le thème de l'adaptation au climat était aussi particulièrement visible dans la mise en avant de l’architecture africaine, qui marque également un effort d’ouverture et d’inclusion de la part des organisateurs. Ceux-ci ont conscience que ce type d’événement, en raison notamment de ses coûts, a historiquement servi à diffuser et entretenir une vision occidentalo-centrée de la ville et de l’architecture. Une occasion bienvenue de faire entendre de nouvelle voix et de mettre en avant d’autres imaginaires.
Benoit Zante
* À une exception notable, sur laquelle je reviendrai dans une newsletter future.