Une carte postale... ferroviaire
Je m’étais promis de faire un vrai “break” de cette newsletter, au moins jusqu’à mi-septembre… et puis c’est plus fort que moi ! J’ai eu envie d’emprunter à la newsletter Time To Sign Off son concept des “cartes postales” de vacances…
Avant de reprendre le court normal de cette newsletter à la rentrée, cette “carte postale” est donc écrite entre Venise et Lausanne : la dernière étape avant le retour en France, conclusion d’un voyage en train à travers une partie de l’Europe - d’Amsterdam à la Suisse, en passant par l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie.
TL;DR
Première surprise : quoi qu’on en dise, voyager en train en Europe n’est pas si cher en comparaison avec l’avion… et l’intérêt n’est pas seulement écologique.
Seconde surprise : en France, même si on adore se plaindre de la SNCF, nous ne sommes pas si mal lotis ! Au contraire.
Troisième (pas vraiment) surprise : il y a encore du travail à faire pour rendre les trains de nuit confortable…
Alors que les (longs) déplacements en train reviennent au goût du jour - des populaires trains de nuit jusqu’à la résurrection du luxueux Orient-Express - ce petit tour d’Europe en train m’a permis de comparer les services de Thalys, DB, OBB ou des chemins de fer suisses, en attendant le plus classique TGV Lyria pour rentrer en France.
De quoi mettre à mal plusieurs clichés. Le premier, c’est le prix. En arbitrant entre flexibilité et économies et en réservant de façon “stratégique” (très en avance pour le TGV, le Thalys et le train de nuit Vienne-Venise, quelques semaines avant pour les trains allemands et autrichiens), j’arrive à une dépense totale d’un peu plus de 500€ pour une dizaine de trajets et 4 000 km parcourus en une quinzaine de jours.
En avion, pour faire plus ou moins le même parcours, en prenant les prix minimums indiqués par Google, j’arrive à… 700€ ! Cela sans compter les trajets aéroport-centre ville, puisque le train a le grand avantage de permettre d’arriver directement au cœur des destinations.
Autre avantage du train : les paysages traversés, comme le Lac Majeur, que je suis en train de longer en écrivant ces lignes…
Évidemment, en avion, j’aurais sans doute construit le voyage différemment, avec moins d’étapes et des destinations desservies par des vols moins chers. Mais cette différence de prix en faveur du train représente une vraie surprise. Mon cas semble pourtant particulier, puisque tout récemment, une étude de Greenpeace montrait que le prix du train en Europe était en moyenne deux fois plus élevé que l’avion, pour des parcours équivalents. Dans le détail, ce sont les trajets ferroviaires en France, au Royaume-Uni et en Espagne qui sont les plus chers.
À noter : un pass Interail coûte entre 421€ et 518€ pour un voyage entre 10 et 15 jours, mais il faut ajouter des frais de réservation supplémentaires, comme par exemple 32€ pour un Paris - Amsterdam en Thalys.
Outre le prix des billets, il est aussi intéressant de se pencher sur le coût-carbone d’un tel voyage. À la grande louche, j’arrive à un total de 31 kg de CO2. Le calcul est facilité par le fait que chaque compagnie ferroviaire, ou presque, propose désormais son calculateur carbone, affiche les émissions du trajet sur les billets et en fait un argument de vente. En Autriche, la dimension “green” du train est d’ailleurs martelée partout dans les gares.
En comparaison, en avion, ce voyage aurait représenté plus de 600kg de CO2 et en voiture, 400kg. Ce sont des ordres de grandeur, car il s’avère très difficile de se prononcer sur la fiabilité de chaque fournisseur de données, mais quelle que soit la source, le train est, sans surprise, le grand gagnant.
Par contre, j’ai eu une autre surprise, certes plus anecdotique : les trains allemands ne sont pas si fiables que ça ! J’ai eu presque 2h de retard à l’arrivée pour mon trajet Amsterdam - Francfort (mais juste en dessous des 2h, ce qui aurait conduit à un remboursement de 50% du billet, en vertu de la législation européenne).
Sur ce trajet, je vous épargne le récit des deux retours en arrière pour prendre des itinéraires différents, la disparition du conducteur à Cologne et les différentes annonces en Allemand et en Néerlandais qui suscitaient à chaque fois les rires jaunes des passagers (ne parlant ni l’un ni l’autre, je me sentais un peu exclu de tout ça). À la décharge de la Deutsche Bahn, le passage par le réseau néerlandais, très fréquenté, est toujours un peu compliqué (le Thalys en fait d’ailleurs souvent les frais).
J’ai surtout découvert avec effroi qu’avec la Deutsche Bahn, les demandes de compensation pour les retards impliquaient l’impression et l’envoi par la poste d’un formulaire, avec les justificatifs correspondants… Là où en France, avec la SNCF, tout est digitalisé, voire automatisé avec des sites comme Trainline.
Cela m’amène à un autre constat : en France, on adore s’autoflageller et critiquer la SNCF (cette newsletter n’est pas sponsorisée, je préfère le préciser), mais l’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs (sauf peut-être en Suisse, mon trajet le plus confortable, même s’il faut 7h entre Venise et Lausanne).
Autre exemple avec les trains de nuit. OBB, la compagnie autrichienne est unanimement saluée pour la qualité de son offre Nighjet, qui permet de relier Paris à Vienne, Amsterdam à Innsbruck ou Zurich à Berlin, entre autres… C’est surtout, historiquement, la seule compagnie à avoir maintenu une offre de trains de nuit en Europe.
J’ai testé le trajet Vienne-Venise, en compartiment-couchettes de 4 personnes. Il est un peu difficile de comparer cette expérience avec le trajet en train de nuit SNCF que j’ai fait un peu plus tôt dans l’été, avec mes enfants - une autre aventure ! - mais ma conclusion est que nos trains de nuit n’ont pas à rougir.
Certes, les trains SNCF sont vieux, mais ils remplissent tout à fait leur rôle. Le compartiment SNCF de 6 couchettes était mieux équipé - et le lit plus confortable - que celui de 2e classe du Nightjet autrichien, même si on y était plus nombreux. Qui plus est, mon Nighjet a eu presque 2 heures de retard (décidément !). La prochaine fois, je testerai les cabines-lits d’OBB, à peine plus chères, mais bien trop rares : il faut réserver tôt pour espérer en avoir une.
Néanmoins, que ce soit en Autriche, en France - ou en Inde, puisque j’ai aussi eu l’occasion d’y voyager de nuit - il reste pas mal de travail à faire pour rendre le voyage en train de nuit confortable… Arriver au cœur d’une nouvelle ville au petit matin (qui plus est Venise) représente un bel avantage, mais la journée est ensuite longue… et pourtant, j’ai eu la chance de pouvoir accéder à ma chambre d’hôtel dès mon arrivée. Mais pas de quoi me décourager de prendre le train !
Et puisque je ne m’en lasse pas, je vous laisse avec une dernière photo de mon trajet…
Benoit Zante