Tous les journalistes connaissent la règle des 5 “W” (“Who”, “What”, “When”, “Where”, “Why”) auxquels doit répondre un article pour couvrir tous les aspects essentiels d'un sujet.
Au Festival de l’Info Locale, qui se tenait à Nantes fin septembre, Julien Bonnefoy du groupe de presse Centre France proposait d’en ajouter un 6e : le "What next?" ou "Et maintenant, que fait-on ?".
Objectif : pousser les journalistes à aller au-delà du simple constat, pour aborder les solutions ou les actions possibles face aux enjeux climatiques. On est en plein dans le concept de “journalisme de solutions” qui était déjà l’un des sujets clés abordés l’an dernier.
Centre France, avec ses 9 hebdomadaires et 8 quotidiens - dont La Montagne, Le Berry Républicain ou La République du Centre - n’est pas le groupe de PQR le plus connu, ni le plus visible sur les sujets d’engagement environnemental. Mais il assume sa discrétion et s’active en coulisses pour repenser ses pratiques et essayer d’être à la hauteur de l’urgence écologique (pour paraphraser la charte du même nom).
Une “Team Climat” constituée de 20 journalistes issus des rédactions quotidiennes et hebdomadaires s’est formée et a travaillé plusieurs mois à la formulation d’une feuille de route éditoriale intitulée “Premiers degrés, comprendre et s’adapter” et à la création d’outils pour les rédactions.
Dans la foulée de cette feuille de route, voici les bonnes pratiques mises en place par les rédactions du groupe (et les outils internes associés) :
traiter le sujet du climat de façon transverse, en interrogeant pour chaque contenu (qu’il soit question de politique, d’économie, de sport, etc.) son impact environnemental.
ne pas mettre sur le même plan les propos d’un scientifique* et les autres avis, car le fait scientifique n’est pas une opinion. Pour cela, les journalistes peuvent s’appuyer sur un annuaire d’experts du climat réalisé par Centre France.
contextualiser dans la crise climatique : météo, vendanges précoces, inondations... les journalistes disposent d’une bibliothèque de textes de référence sur ces enjeux.
choisir les bons mots, notamment grâce au glossaire climat Centre France.
sélectionner les photos justes (pas de photos de baignade pour illustrer une canicule, par exemple).
privilégier l'angle “solutions” en recourant à un "6e W" journalistique ("what’s next ? / On fait quoi ?")
vulgariser l'info climat en faisant preuve de pédagogie pour raconter des données scientifiques souvent complexes.
*Plus tard dans la journée, un atelier organisé par l’Office National de la Biodiversité abordait également cette question du traitement médiatique des sujets liés à la crise environnementale… Avec un spectre encore plus large, puisque les enjeux vont au-delà du seul “climat”.
L’atelier a notamment permis de creuser cette question des sources scientifiques et de la parole des experts. Car évidemment, la parole d’un scientifique n’est pas du même ordre que l’opinion d’un politique, d’un acteur économique ou du premier venu. La réalité du changement climatique et les responsabilités de l’activité humaine sont des faits parfaitement étayés par la science.
Mais cela étant posé, toutes les paroles scientifiques ne sont pas équivalentes et la diversité des sources doit être encouragée par les journalistes. Un exemple ? Sur le sujet controversé des “méga-bassines”, les approches d’un hydrologue ou d’un climatologue seront très différentes...
En somme, on ne peut pas faire dire tout ce qu’on veut à un scientifique, mais le choix de l’expert à qui on s’adresse n’est pas neutre. Voilà un élément de complexité supplémentaire pour les médias qui ont l’ambition de (bien) traiter ces enjeux…
Benoit Zante
Il n’y en avait pas 5, mais déjà 7 depuis longtemps : 5w + 2H : how et How much. Ça n’empêche pas votre 6* W mais ça le contextualiserait.