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Bienvenue sur cette newsletter, la première que j'envoie sur Substack, mais la suite d'une longue série (143 pour être exact), dont les archives sont à retrouver sur Medium.
Pour ceux qui découvrent, j’ai quelques obsessions, qui évoluent à travers le temps, mais tournent généralement autour de la tech et des tendances, des modèles économiques des médias, de l’écriture, des contenus ou du rôle des entreprises pour lutter contre la crise climatique.
Bonne lecture !
Benoit Zante
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TL;DR :
La recherche en ligne est en train de changer fondamentalement avec le "Generative Search", qui repose (notamment) sur des conversations en langage naturel.
En ne se contentant pas de répondre simplement aux questions, mais en posant à son tour, Bing Chat peut recueillir des informations précieuses sur les utilisateurs…
L’intérêt publicitaire de ces données est évident et Microsoft a bien des raisons d’aller sur ce terrain, même s’il a beaucoup de coups à prendre.
Lorsqu’avec Marie Dollé et Quentin Franque, nous avons commencé à travailler ensemble pour écrire notre rapport sur le futur des contenus, il est vite apparu évident d’y consacrer toute une partie au sujet de la recherche en ligne.
Au fil des semaines, ce qui ne devait être qu’un sujet parmi d’autres, marqué par des évolutions incrémentales - l’amélioration continue des algorithmes de Google, des recherches visuelles de plus en plus poussée grâce au ‘computer vision’ ou encore l’essor du ‘social search’ sur TikTok ou Instagram - est devenu de plus en plus important.
En cause ? Le boom de ce que l’on appelle désormais le “Generative Search”, avec le lancement de ChatGPT, mais surtout l’intégration de ce modèle à Bing.
En quelques jours, le moteur de recherche de Microsoft a suscité des millions d’inscriptions à sa liste d’attente…
Qui aurait cru que Bing pourrait un jour susciter un tel engouement (et me conduire à installer le navigateur Edge) ? Google, voyant la menace, n’a d’ailleurs pas tardé à réagir, en annonçant son outil Bard, mais sans se risquer à donner une date de lancement public.
La première chose qui m’a frappé en commençant à utiliser Bing Chat ? C’est de me retrouver face à une IA qui donne non seulement des réponses (de façon pas toujours exacte, mais c’est un autre sujet), mais qui en pose aussi à son tour !
C’est une vraie conversation - limitée toutefois à 5 allers-retours depuis peu, pour éviter les abus - et en cela, l’expérience est assez différente de celle de ChatGPT (et a fortiori de la recherche Google).
Au détour de mes requêtes, je me suis ainsi vu demander quel était mon film Disney favori, si je préférais les légumes ou les fruits, ou encore si je souhaitais des vacances “naturelles, culturelles, balnéaires ou autres” (il a fini par me conseiller le Kosovo).
Et si cela ne suffisait pas pour entretenir la discussion, à chaque réponse, trois suggestions de questions ou de réactions additionnelles apparaissent.
Avec une interface conversationnelle de ce type, tout est donc fait pour que l’internaute se retrouve à fournir bien plus d’informations que ce qu'il donnerait à un moteur de recherche traditionnel. Il le fait à la fois spontanément (plus la requête en langage naturel inclut de contexte, plus la réponse sera personnalisée et pertinente) ou parce qu’on le lui suggère fortement (via des questions additionnelles et des suggestions).
On imagine sans peine tout l’intérêt publicitaire de ces informations, qui s’avèrent très précieuses pour construire des profils d’internautes, capter des intentions d’achat ou anticiper des comportements…
Certes, Microsoft, à la différence de Google, n’a pas fait de la publicité le cœur de son modèle. Mais il revient régulièrement à la charge sur le sujet. Après avoir confié une bonne partie de ses activités publicitaires à AOL au milieu des années 2010, Microsoft a décidé de faire un come-back dans le domaine avec le rachat de l’adtech Xandr (ex-AppNexus) en 2021.
Mais pourquoi aller sur ce terrain où il y a tant de coups à prendre, me diriez-vous ? Que ce soit en termes d’image, de régulation ou de modèle économique, le marché de la publicité n’a en effet plus pas grand-chose de sexy.
Sauf que pour Microsoft, chaque dollar (ou euro) gagné sur ce marché est autant d’argent en moins dans les poches de Google/Alphabet, Amazon ou Meta. Et donc autant de revenus qui ne peuvent pas être utilisés pour développer des produits concurrents à ceux que commercialise Microsoft, dans le cloud ou les logiciels, en particulier.
C’est tout particulièrement le cas pour Alphabet, qui utilise depuis des années la manne publicitaire générée par son moteur de recherche pour proposer gratuitement des outils comme Google Docs ou Google Sheets, alternatives à la lucrative suite Office de Microsoft.
Bref, pour Microsoft, tout ce qui peut faire mal à Google/Alphabet est bon à prendre, que ce soit à court terme en le “ringardisant” ou à plus long terme, en gagnant des parts de marché publicitaire, lorsque la nouvelle audience drainée par Bing Chat sera monétisée. Et cela pourrait arriver très vite, si on en croit les infos de Reuters.
Ce choc des géants va être intéressant à suivre ! 🍿
Benoit Zante
Ravi de vous retrouver sur Substack!!! (ça manquait de francophones, youpi) :)
Brilliant as usual.