“Accélérer” : c’est un peu le mantra que j’ai retenu d’une semaine aux Cannes Lions, le grand rendez-vous de la pub mondiale… Vélocité, accélération, rapidité, vitesse*… Ce sont en effet des mots-clés qui revenaient en boucle, du côté des marques, des plateformes, des médias, des grands groupes…
Un exemple parmi plein d’autres : au sein de l’agence intégrée du New York Times (le “T Brand Studio”), les équipes travaillent déjà “à la vitesse de l'actualité". Mais avec l’IA, elles vont devoir "aller encore plus vite”, selon les mots de Vida Cornelious, la SVP Creative & Strategy de la régie…
Évidemment, cette consigne - qui rappelle les injonctions à ”innover” et à “(se) transformer” dans les années 2010 et 2020 - s’applique avant tout au sujet de l’IA. La vague “AI Générative” est à peine digérée qu’il faut se préparer à la déferlante de l’IA “agentique” (en attendant la suivante…).
Ce constat est d’autant plus saisissant que l’année dernière, c’était encore un peu l’attentisme sur la Croisette : l’IA était là, mais pas encore bien intégrée dans la chaîne de production de contenus. Les discours se voulaient prudents. L’IA était encore présentée comme un assistant, qui serait avant tout utilisé pour décupler la créativité humaine.
Un an plus tard, les chevaux sont lâchés, les précautions bien moins nombreuses. Du texte on est passé à l’image et, surtout, à la vidéo. Meta lance des outils pour générer automatiquement des campagnes. Adobe promet des vidéos publicitaires créées par l’IA “sans aucun risque”. Google va intégrer son modèle de génération de vidéos Veo 3 à Youtube Shorts. Etc.
L’ambiance et les discours sont aussi moins apaisés. Les craintes sur l’emploi sont bien réelles. En 2023, Forrester avait sorti un chiffre : selon l’institut, pas moins de 32 000 emplois, et potentiellement un tiers de l'ensemble des employés du secteur de la pub aux Etats-Unis, étaient menacés dans les années à venir. Je n’ai pas vu de mise à jour depuis, mais en deux ans, le rythme s’est clairement accéléré.
Il n’y a aucune raison qu’il ralentisse, étant donné le contexte (géo)politique et économique. En un an, l’apparition de Deepseek, la croissance toujours insolente d’Open AI ou l’arrivée de Perplexity dans le “search” ont encore accentué la compétition.
Face à ce rythme qui s’emballe - et qui n’a rien à voir avec celui des vagues technologiques précédentes, comme l’essor du mobile, le développement des réseaux sociaux ou le déploiement du cloud - tout le monde est donc invité à “aller plus vite”. Ou en tout cas à ne pas rester immobile. Quitte à aller dans le mur ?
Car toutes ces injonctions laisseront-elles le temps à tout un chacun de prendre un peu de recul, pour faire la distinction entre vitesse et précipitation ? Pas sûr…
Benoit Zante
PS. Se poser et prendre un peu de recul, pour mieux prendre de l’avance : c’est justement l’une des promesses de l’événement “Roadmap AI 2025”, organisé par Converteo, auquel je vais assister la semaine prochaine à Paris. Si vous y êtes aussi, faites-moi signe !
*En relisant ces mots, mes cours d’Histoire me reviennent en tête, en particulier la valorisation de la vitesse par le mouvement du futurisme italien, concomitant avec la montée du fascisme. Mais je n’ai pas vraiment envie d’élaborer sur cette idée.
J'ai lu cet article aussi : https://www.philonomist.com/fr/dialogue/temps-et-technologie-comment-survivre-lacceleration