On n'a pas fini d'en parler...
Lorsque j'ai commencé à m'intéresser à l'IA Generative et aux LLM (Large Language Models), en 2019, la technologie n’était accessible encore qu'aux développeurs et à ceux qui étaient prêts à passer un peu de temps à bidouiller avec le modèle GPT-2... N’entrant dans aucune de ces deux catégories, j’avais suivi ça de loin.
En vérité, la promesse de produire des textes à la demande, de façon automatique et avec un résultat convaincant me semblait trop belle pour être vraie.
Mais depuis, tout a changé…
TL;DR :
Les IA génératives dans le domaine de l’écriture ont progressé très rapidement ces dernières années, mais elles sont surtout devenues de plus en plus accessibles au grand public.
On trouve aujourd’hui sur le marché des centaines d’outils, avec des usages souvent de niche. Seuls quelques acteurs parviendront à sortir du lot, tandis que les grands de la tech vont s’approprier ces technologies pour les intégrer nativement à tous leurs outils.
D’un point de vue créatif, ces outils peuvent se révéler très puissants. Mais il faut les voir comme des “compléments” de l’humain, en tenant compte de leurs limites.
C’est à partir de fin 2020/début 2021, que les choses sont devenues plus concrètes dans le domaine de la génération de textes. J’ai alors commencé à m’interroger sur l’avenir de mon métier, si l’écriture finissait par être automatisée.
En effet, progressivement, les outils d’IA générative se sont montrés de plus en plus performants - avec l’arrivée du modèle GPT-3, notamment. Surtout, ces outils sont devenus accessibles au grand public : d’abord grâce au “playground” créé par Open AI (l’éditeur des modèles GPT), puis par l’intermédiaire des premières startups construites à partir de ses API.
Et puis tout d'un coup, tout s'est accéléré. À l’automne 2022, quand, avec Marie Dollé (
) et Quentin Franque, nous avons voulu répondre à la question “Comment écrirons-nous en 2030 ?”, nous avons commencé à établir une liste des startups et outils positionnés sur le sujet.Très vite, le tableau a dépassé les 40 noms. Notre constat : tous ces acteurs promettaient peu prou la même chose : écrire “mieux” ou “plus”, grâce à l’automatisation.
Et encore, nous n’avions rien vu : c'était quelques semaines avant l'arrivée de ChatGPT. À partir de là, nous avons vite arrêté d’essayer de faire le décompte des nouveaux outils, tellement le rythme devenait difficile à suivre.
Nous en sommes plutôt maintenant à faire des listes de sites qui font des listes d'outils (comme Aitoolhunt, Futurepedia ou Futuretools).
En parcourant ces annuaires, on se rend compte qu’il existe aujourd'hui toutes sortes d’outils d’écriture augmentée, avec des spécialisations parfois très pointues : pour générer une lettre de motivation, pour écrire un roman, pour optimiser ses vidéos Youtube, pour écrire des e-mails de vente, pour tweeter, ou pour générer des prompts, entre autres.
Souvent, les outils qui se lancent autour de ChatGPT et du modèle GPT3 ne sont encore que de simples landing pages, pour collecter des adresses e-mails avec la promesse d'accéder à une bêta. Parfois la bêta est un peu aboutie. Souvent elle prend la forme d'un plugin chrome. Et quelques fois, on a de vrais services derrière.
Les outils les plus prometteurs me semblent être ceux qui automatisent des process répétitifs pour gagner en productivité. On dépasse du coup le champ de la simple écriture, avec des intégrations dans les outils d’e-mailing, de prise de notes, de tableur ou de slides.
Mais ce bourgeonnement n'aura qu'un temps et une consolidation va s'opérer. Office, Adobe, Google vont intégrer nativement beaucoup des fonctionnalités de niche proposées par ces outils. De nouveaux venus, ceux qui auront réussi à être mieux financés que les autres, vont agréger les usages autour d'une verticale ou d'une thématique.
Dans le domaine du texte, plusieurs noms émergent déjà : Anthropic (700M$ levés), Cohere (165M$) Jasper (131M$), Tome (75,3M$) ou Typeface (65M$). On peut aussi ajouter côté image/vidéo Midjourney, RunwayML (95,5M$) et Stable Diffusion (qui se valorise récemment 4 milliards de dollars)
Et les Français dans tout ça ? Apparemment, il y a un nom à suivre : Dust. Mais pour l’instant, on ne peut pas dire que la French Tech brille dans l’écosystème “Generative AI” mondial, même si Hugging Face, une plateforme très utilisée par les développeurs en intelligence artificielle a été créée par des Français, et que LLaMA, le modèle de Meta, a été conçu par 14 personnes, dont 11 ayant fait leurs études en France.
En attendant, pour mesurer l’avancée du secteur, j’ai voulu reprendre le petit exercice que j'avais demandé à GPT-3 l'an dernier : partir de quelques-uns des “pitchs” des récits de science-fiction publiés dans la collection “Dyschroniques” de la maison d’édition Le Passager Clandestin, pour imaginer de “nouveaux récits”.
À l’époque, on ne parlait pas encore de "prompts" : GPT3 se contentait d'écrire la suite d'un texte à partir de quelques mots ou paragraphes, et le résultat n’avait rien d’impressionnant.
Cette fois-ci, avec ChatGPT, j’ai pu avoir beaucoup mieux.
À partir du pitch de “Pigeon, canard et patinette”, de Fred Guichen (“Imaginons que des impasses de la toute-puissance naîtra le pouvoir de la fragilité”), complété par quelques indications précises de ce que j’attendais, j’ai obtenu le “teaser” suivant :
“L'histoire commence dans un futur lointain, où l'humanité a atteint un niveau technologique inimaginable. Les humains ont développé des capacités incroyables, comme la téléportation, la manipulation de la matière et la guérison instantanée. Ils ont même créé une intelligence artificielle qui est capable de régler tous les problèmes de l'humanité.
Cependant, avec toute cette puissance, les humains ont perdu leur capacité à ressentir et à éprouver de l'empathie. Ils sont devenus froids et distants, considérant les autres êtres vivants comme des objets à utiliser et à contrôler. Ils ont créé une société hiérarchique où les plus puissants dominent et les plus faibles sont ignorés.
C'est dans ce contexte que naît un mouvement de résistance, appelé "Les Fragiles". Ce sont des humains qui ont décidé de se reconnecter avec leur vulnérabilité, leur compassion et leur empathie. Ils sont considérés comme faibles par les autres, mais ils se voient comme des agents de changement.”
Envie de lire la suite ? Rien de plus simple, il suffit d’appuyer sur un bouton…
Avec Tome, j’ai même eu droit à toute une histoire illustrée à partir du pitch de “La vague montante”, de Marion Zimmer Bradley : “imaginons une société d’abondance frugale soustraite à l’empire de la technologie.”
Bref, en seulement quelques mois, les possibilités créatives de l’IA générative se sont drastiquement élargies, et cela devrait se poursuivre avec l'amélioration des différents modèles. Mais il convient de considérer ces "outputs" pour ce qu'ils sont : des bases à raffiner, car l'intelligence humaine reste indispensable pour aboutir à quelque chose de pleinement abouti et convaincant.
En tout cas, tout cela donne plutôt envie de continuer à explorer le sujet…
Benoit Zante