Comme tous les débuts d’année, j’ai passé un peu de temps à consulter les différentes études sur les tendances pour 2025 (et il y en a beaucoup !)… Tendances sociétales, tech, créatives, “food”, “dating”, tourisme… Il y en a pour tous les goûts ! Mais dans bien des cas, c’est pour l'émetteur de ces tendances un exercice marketing destiné avant tout à mettre en avant son entreprise et appuyer son positionnement : l’exercice ne brille pas souvent par sa rigueur scientifique et il faut plutôt le prendre comme un outil d’aide à la réflexion.
Néanmoins, quelques acteurs plus sérieux s’appuient sur des études solides et le croisement de nombreux “signaux” plus ou moins faibles. C’est le cas notamment de l’institut WGSN, dont j’ai déjà parlé à plusieurs reprises dans cette newsletter : son métier est justement de produire des études et de prédire les tendances de demain et après-demain - couleurs, matières, ingrédients, etc.
Parmi ses prévisions pour les années à venir, ce cabinet de tendances a sorti une idée intéressante : celle du “Grand Epuisement” (ou plus exactement la “Great Exhaustion” en anglais), qui fait suite à la “Great Resignation” et au “Quiet Quitting” des premières années post-covid.
Ce “grand épuisement” qui nous guette n'est pas qu'un simple concept marketing de plus : il s'appuie sur plusieurs chiffres. Une étude du BCG révélait ainsi en 2024 que près de la moitié des employés du monde entier, qu'ils soient en bureau ou sur le terrain, se sentent épuisés au travail. Aux États-Unis, ce sont plus de 3,3 millions de personnes qui luttent contre une fatigue chronique. Et selon plusieurs études, de plus en plus de gens se plaignent de dormir plus longtemps, mais de se sentir paradoxalement moins reposés…
WGSN explique cette fatigue collective par plusieurs phénomènes convergents : la surcharge de travail post-pandémie, le flot incessant des communications et notifications numériques, et l'allongement des journées de travail en raison du télétravail. Le tout dans un monde où la frontière entre vie professionnelle et personnelle s'estompe de plus en plus... Sans parler du contexte socio-éco-géo-politico-climatique qui n’incite pas vraiment à sortir de son lit le matin, mais le cabinet ne l’évoque étonnamment pas.
Du côté des symptômes, ils sont aussi multiples, du "bed rotting" - cette tendance à passer des heures dans son lit, y compris pour travailler ou manger - qui touche désormais 55% des travailleurs en mode hybride ou à distance au fait que 21% des membres la Génération Z avouent préférer manger au lit.
Face à cette fatigue généralisée, WGSN a repéré plusieurs réponses, comme le "ping minimalism" - la réduction volontaire des notifications - qui se démocratise. Certaines entreprises commencent aussi à repenser leurs politiques de congés pour inclure des "congés sabbatiques pour cause de stress" et des pauses liées à la santé mentale. En Chine, on voit même apparaître des "maisons de retraite junior", où les jeunes actifs épuisés viennent se ressourcer en pratiquant le jardinage ou la musique !
Cette tendance s'accompagne d'ailleurs d'une nouvelle émotion, baptisée "witherwill" par le Dictionary of Obscure Sorrows - un site et une chaîne YouTube qui cherchent des néologismes pour les émotions qui n'ont pas encore de mot pour les décrire. Ce “witherwill” qualifierait donc ce désir croissant d'être libéré des responsabilités, de vivre une existence plus lente, avec moins d'enjeux et davantage de connexions significatives...
À mon sens, ce “grand épuisement”, ou cette "grande fatigue" révèle surtout un besoin profond de notre société de repenser son rapport au repos, au travail et au bien-être, pour trouver un meilleur équilibre. Alors plutôt que “fatigue” ou même “witherwill”, et si le mot de 2025 n’était pas plutôt “équilibre” ?
Un équilibre que je vous souhaite de trouver cette année.
Bonne année :)
Benoit Zante
Spot on Benoît. Et très lié à la tendance "post-perf" que je vois éclore partout autour de moi.