"Aie confiance..."
Comme moi, vous avez sûrement entendu à plusieurs reprises ces dernières années la phrase “l'IA ne va pas vous remplacer, mais une personne qui sait utiliser l'IA le fera”, ou l’une des déclinaisons de cette même prédiction.
On la retrouve par exemple dans la bouche de Karim Lakhani, professeur à la Harvard Business School, dans cet article datant d'août 2023 : “AI Won’t Replace Humans — But Humans With AI Will Replace Humans Without AI”.
Le message derrière se veut plutôt rassurant. En gros, c’est : “ne vous inquiétez pas, il suffit de vous former !” L’affirmation a le mérite d'arranger aussi bien les plateformes que les dirigeants, qui peuvent faire ainsi passer plus facilement la pilule de l'implémentation à tout va de l'IA (tout en faisant au passage les affaires des vendeurs de formation).
En creux, il y a aussi l'idée que si vous votre métier n'a tout d'un coup plus de sens à cause de l’IA, c'est aussi un peu de votre faute…
Mais comme me le faisait récemment remarquer un chercheur en IA, lecteur de cette newsletter, on peut aussi lire cette affirmation d'une toute autre façon…
Certes, les humains en entreprise ne seront pas remplacés par l'IA (même si certains en rêvent ouvertement, cf. le buzz autour du concept de “one-person unicorn” et des agents autonomes), mais combien chaque humain “augmenté” par l'IA remplacera-t-il de travailleurs d'hier ? Si les promesses de gains de productivité affichées par les promoteurs de l'IA sont bel et bien tenues, il est clair qu'on ne sera pas dans un rapport “1 pour 1”…
Ce mouvement est d'ailleurs déjà enclenché, parfois de façon très explicite. Chez Shopify, par exemple, il faut maintenant être capable de prouver que les tâches ne peuvent pas être effectuées par l'IA pour justifier un recrutement…
Néanmoins, le backlash qu'a connu Duolingo récemment sur ce sujet devrait inciter les acteurs du secteur à se montrer plus prudents dans leurs prises de parole externes et internes (même si ça fait du bien au cours de Bourse), et donc à continuer à nous ressortir ce genre de formules lénifiantes…
En attendant, il faut évidemment à titre individuel s’informer, se former, se préparer. Mais tout le monde n’a et n’aura pas ce luxe, et je ne suis pas sûr que, collectivement, on soit prêt à en affronter les conséquences.
Benoit Zante
PS. J’animerai justement une table-ronde sur la question des usages raisonnés de l’IA lors des Cannes Lions, à l’initiative de Scope3 et PWC, avec des intervenants d’AXA, LVMH, Google et de l’Union des Marques… Plus d’info prochainement, mais si vous avez prévu d’être sur place, faites-moi signe !