Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de participer à un atelier “2tonnes”... Comme la fresque du climat et ses déclinaisons (biodiversité, numérique et même publicité), c’est un format pédagogique très concret pour se rendre compte de l’impact de ses choix de consommation et de vie sur l’environnement.
TL;DR :
L'objectif de 2 tonnes d'équivalent CO2 par an et par Français d'ici 2050 sera difficile à atteindre sans changements radicaux en matière de transports, de production, de consommation et d’habitat.
Au-delà des comportements individuels, l’un des leviers valorisé par le modèle “2tonnes” est la dynamique sociale et l’influence, afin d’arriver à un “point de bascule” dans l’opinion publique, capable de faire évoluer drastiquement les politiques et les choix des entreprises.
C’est sur ce point que les médias ont un rôle crucial à jouer, pour sensibiliser et éduquer, mais aussi en contribuant à valoriser le local et les pratiques plus vertueuses.
J’ai justement eu l’occasion de participer à un de ces ateliers “2tonnes” mardi dernier… Et le constat au bout des 3 heures de ce “serious game” n’a pas vraiment été une surprise : atteindre l’objectif des 2 tonnes d’équivalent CO2 par an et par Français d’ici à 2050 va être compliqué.
Ces 2 tonnes impliquent des changements radicaux - sur la mobilité, la production, la consommation, l’agriculture, notamment. Sauf si les révolutions technologiques que nous promettent les solutionnistes se concrétisent, ce qui est fort peu probable.
Sur ce sujet, l'Ademe a d’ailleurs mené un travail prospectif assez intéressant, avec différents scénarios pour tendre vers la neutralité carbone de façon collective. L'un d'entre eux misait sur des technologies encore à inventer, les autres impliquaient des changements (très) profonds. J’avais écrit sur le sujet pour TheGood lors de leur publication.
À l’inverse, j'ai eu une petite surprise en faisant le calcul de mon empreinte personnelle (avec cet outil) : malgré mes nombreux voyages, j’étais légèrement en dessous de la moyenne des Français, avec 9.23 tCO2e/an (vs. 9.41 tCO2e/an).
Mais cela n’est dû qu’à une absence de voiture, un appartement récent bien isolé et surtout, une consommation quasi-nulle de viande. Dans mon cas, le budget “transports” (et dedans, l’avion essentiellement, puisque le train reste assez peu carboné) explose tout.
De quoi faire réfléchir, alors que je m’apprête à faire un vol transatlantique pour aller à SXSW, au Texas… Mais si beaucoup de conférences peuvent désormais être suivies en ligne, ce festival est tout simplement impossible à vivre à distance. Faudra-t-il y renoncer à l’avenir ? C’est une question qui se pose.
D’ailleurs, par hasard, au moment d’écrire cette newsletter, j’écoute la série “Adapt or What” du podcast “Programme B” de Binge Audio : cette question des voyages et du coût environnemental de l’activité de journaliste est au cœur du premier épisode. Mais comme moi, l’animateur n’a pas vraiment de réponse.
Un autre enseignement de l’atelier 2tonnes est l’importance de la dynamique sociale et de l’influence pour faire bouger les choses. C’est la théorie du “point de bascule” (expliquée ici par BonPote) : ce moment où un pourcentage suffisamment important de la population a pris conscience des enjeux écologiques pour avoir enfin un impact sur les politiques publiques et les choix des entreprises.
C’est sur ce sujet que les médias ont un rôle crucial à jouer, pour sensibiliser, expliquer, éduquer... Des initiatives commencent à émerger dans ce sens, mais est-ce suffisant et assez rapide ?
Les acteurs des médias ont aussi un rôle actif pour faire évoluer les perceptions et les aspirations. Si je pars de mon exemple des transports et des voyages, les médias peuvent contribuer à valoriser les initiatives locales et faire en sorte qu’un week-end à Paris, Nantes ou même Guéret soit aussi désirable qu’un “city trip” à Milan, Barcelone ou Dublin Berlin*.
Les destinations plus ou moins lointaines vont bien sûr rester attractives, mais leur “consommation” va devoir évoluer : le trajet en lui-même participera de l’expérience - avec le retour des trains de nuit et l’apparition de modes de voyages plus “slow” - et une fois sur place, on en profitera différemment, plus longtemps. En espérant que ce soit aussi la fin des lieux standardisés par Instagram et des Airbnb copiés-collés.
Évidemment, après les épisodes de confinement et fermetures de frontières, l'idée de devoir réduire ses horizons est difficile à entendre. Toutes les démarches pour “réenchanter le local” sont donc bonnes à prendre, qu'elles soient médiatiques, entrepreneuriales, associatives, politiques, culturelles ou artistiques.
Benoit Zante
*Autre hasard : en faisant des recherches pour cette newsletter, je me rends compte que c’est exactement le sujet de l’exposition en cours à la fondation EDF à Paris : “Faut-il voyager pour être heureux”.

Merci pour ces pistes de réflexion qui ouvrent des portes. Concernant le voyage, il faudrait étayer ces propos par des études mais il me semble que la période Covid a permis de valoriser les destinations françaises et de réenchanter un tant soit peu celles-ci. Pourvu que ça dure !